lundi 18 novembre 2013

Le meilleur des mondes de Aldous Huxley

Défi, réquisitoire, utopie, ce livre mondialement célèbre, chef-d'oeuvre de la littérature d'anticipation, a fait d'Aldous Huxley l'un des témoins les plus lucides de notre temps.
Aujourd'hui, devait écrire l'auteur près de vingt ans après la parution de son livre, il semble pratiquement possible que cette horreur s'abatte sur nous dans le délai d'un siècle. Du moins, si nous nous abstenons d'ici là de nous faire sauter en miettes... Nous n'avons le choix qu'entre deux solutions : ou bien un certain nombre de totalitarismes nationaux, militarisés, ayant comme racine la terreur de la bombe atomique, et comme conséquence la destruction de la civilisation (ou, si la guerre est limitée, la perpétuation du militarisme) ; ou bien un seul totalitarisme supranational, suscité par le chaos social résultant du progrès technologique.


Il aura fallut que je lise ce livre pour mes cours. Je l'ai depuis très très longtemps (mon père me l'ayant donné et l'ayant eu dans sa jeunesse) et depuis très très longtemps je décide de lire autre chose à chaque fois. Pourtant, il me tentait énormément...

Le livre débute  sur la présentation du Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. Au dessus de la porte d'entrée est écrit "Communauté, Identité, Stabilité".
Le Directeur nous fait la visite et nous montre comment les enfants sont créés (dans des éprouvettes). On apprend toutes les étapes de l'évolution de l'embryon, avec les décantations, les différends produits injectés pour créer l'être correspondant à sa caste et son travail. Tout est calculé pour que la personne créée soit conditionnée pour faire tel travail, aimer telle chose, craindre telle chose, soit immunisée à telle et telle chose, etc.
Ils privent même certaines personnes de leur intelligence car elles ne sont pas destinées à un travail demandant de la réflexion.

Une fois que les embryons deviennent enfants, on continue leur conditionnement par tout un tas de méthodes barbares. Par exemple, ils électrocutent les bébés touchant des fleurs car les fleurs n'apportent pas d'argent à la société. Ainsi, les adultes n'aiment pas se promener à la campagne durant leur temps libre.
On leur passe des messages durant leur sommeil. On leur apprend ainsi à aimer leur condition de Beta, Alpha ou autre. On leur dit qu'il faut jeter lorsque quelque chose n'est plus neuf pour les pousser à la consommation.

Les gens sont conditionnés pour ne pas réfléchir. Dès que quelqu'un entre dans des explications, ils refusent de réfléchir là-dessus et prennent automatiquement un "soma" (comprimé qui les plonge dans l'euphorie). Même lorsque l'explication peut les aider à aimer encore plus leur condition !

On suit l'évolution de quatre personnages tous complètement différents. Bernard Marx par exemple est bourré d'inquiétude et de doute. Il a conscience de son "moi" intérieur et ne se sent pas en phase avec la société. Là où tout le monde pense appartenir à tout le monde, lui se sent un être à part entière.
Lenina Crowne est elle quelqu'un de parfait du point de vue de la société. Elle ne sort jamais de ce que la société veut d'elle même si elle ressent de l'amour (chose complètement prohibé dans ce monde).
Helmholtz Watson est n'est lui non plus pas en phase avec la société car il est trop intelligent. Il trouve son travail insuffisant et ressent constamment un vide en lui.
John "le Sauvage" est né dans une réserve. Il n'est pas sortit d'une éprouvette et à été élevé parmi les Indiens. Lorsque Bernard le sort de la réserve pour le montrer à la civilisation, John pense découvrir un monde magnifique. Sa vision des choses est alors contraire à tout ce que la société pense. Par exemple, il prône la chasteté alors que la société pousse les individus à multiplier les partenaires car "tout le monde appartient à tout le monde" (et ainsi éviter le mal être lorsqu'une personne nous repousse). Il représente sûrement le lecteur de l'époque (1932) face à un futur possible (et nous en sommes en partit avec la surconsommation, la peur de la bombe atomique, etc...)

J'ai trouvé la vie des gens "civilisés" très fade en comparaison des sauvages. Cependant, celle des sauvages est également horrible pour moi. Ils sont trop fanatiques, vivent dans la misère la plus totale, etc. Le sauvage que l'on suit ne m'a absolument pas touché, bien au contraire. Lorsqu'il devient violent car une femme se met nue devant lui m'est totalement incompréhensible. Certes, ces gens n'ont pas accès à la connaissance mais de là à en arriver au Moyen-Age...c'est assez troublant.
En revanche, je comprends totalement ce qu'il ressent au milieu des gens "civilisés". A sa place, je deviendrai également folle car la vie n'a rien de bien si l'on doit vivre comme ça.


Tout au long du livre, on découvre le nom de plusieurs personnages connus: Engels, Bakounine, Marx, Bradlaugh et sans doute d'autres que je ne connais pas.


Bien que ce livre soit un incontournable à mes yeux, il y a tout de même quelque chose qui m'a dérangé. Je ne sais pas quoi exactement, mais j'ai le sentiment qu'il y a quelque chose de bâclé. En revanche, la fin est juste...parfaite.

"Car il fallait, bien entendu, qu'ils eussent un semblant d'idée d'ensemble, si l'on voulait qu'ils fissent leur travail intelligemment,-et cependant qu'ils en eussent le moins possible, si l'on voulait qu'ils fussent plus tard des membres convenables et heureux de la société" 

"Car les détails, comme chacun le sait, conduisent à la vertu et au bonheur; les généralités sont, au point de vue intellectuel, des maux inévitables. Ce ne sont pas les philosophes, mais bien ceux qui s'adonnent au bois découpé et aux collections de timbres, qui constituent l'armature de la société"

"Plus la caste est basse, dit Mr Foster, moins on donne d'oxygène. Le premier organe affecté, c'est le cerveau. Ensuite le squelette. A soixante-dix pour cent d'oxygène normal, on obtient des nains. A moins de soixante-dix pour cent, des monstres sans yeux."

"Mais chez les Epsilons, dit fort justement Mr Foster, nous n'avons pas besoin d'intelligence humaine. On n'en a pas besoin, et on ne l'obtient pas. Mais, bien que chez l'Epsilon l'esprit soit mûr à dix ans, il en faut dix-huit avant que le corps soit propre au travail. Que de longuers années d'immaturité, superflues et gaspillées ! S'il était possible d'accélérer le développement physique jusqu'à le rendre aussi rapide, mettons que celui d'une vache, quelle économie énorme il en résulterait pour la Communauté !"

"Et c'est là, dit sentencieusement le Directeur en guise de contribution à cet exposé, qu'est le secret du bonheur et de la vertu, aimer ce qu'on est obligé de faire. Tel est le but de tout conditionnement. Faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper." 

"Il n'y a pas si longtemps (voilà un siècle environ), on avait conditionné les Gammas, les Deltas, voire les Epsilons, à aimer les fleurs-les fleurs en particulier et la nature sauvage en général. Le but visé, c'était de faire naître en eux le désir d'aller à la campagne chaque fois que l'occasion s'en présentait, et de les obliger ainsi à consommer du transport.
-Et ne consommaient-ils pas de transport ? demanda l'étudiant.
-Si, et même en assez grande quantité, répondit le D.I.C, mais rien de plus. Les primevères et les paysages, fit-il observer, ont un défaut grave: ils sont gratuits. L'amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine." 


"L'enseignement par le sommeil fut effectivement interdit en Angleterre. Il y avait quelque chose qui s'appelait le libéralisme. Le Parlement, si vous savez ce qu'on entendait par là, vota une loi l'interdisant. On a conservé les dossiers de l'affaire. Des discours sur la liberté du sujet. La liberté de n'être bon à rien et d'être misérable. La liberté d'être une cheville ronde dans un trou carré." 

"Une société composée d'Alphas ne saurait manquer d'être instable et misérable. Imaginez une usine dont tout le personnel serait constitué par des Alphas, c'est-à-dire par des individus distincts, sans relation de parenté, de bonne hérédité, et conditionnés de façon à être capables (dans certaines limites) de faire librement un choix et de prendre des responsabilités."

"Parce que notre monde n'est pas le même que celui d'Othello. On ne peut pas faire de tacot sans acier, et l'on ne peut pas faire de tragédies sans instabilité sociale. Le monde est stable, à présent. Les gens sont heureux; ils obtiennent ce qu'ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu'ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l'aise; ils sont en sécurité; ils ne sont jamais malades; ils n'ont pas peur de la mort; ils sont dans une sereine ignorance de la passion et de la vieillesse; ils ne sont encombrés de nuls pères ni mères; ils n'ont pas d'épouses, pas d'enfants, pas d'amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes; ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s'empêcher de se conduire comme ils le doivent. Et si par hasard quelque chose allait de travers, il y a le soma-que vous flanquez froidement par la fenêtre au nom de la liberté, monsieur le Sauvage. La liberté !-Il se mit à rire.-Vous vous attendez à ce que les Deltas sachent ce que c'est que la liberté ! Et voilà que vous vous attendez à ce qu'ils comprennent Othello ! Mon bon ami !"

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